Au combien, un geste, une parole se banalise sous le prisme de l’humour qui n’est en réalité rien d’autre que le premier générateur de souffrance et de marques indélébiles traumatiques…
Combien de fois ai-je entendu cette phrase, lancée à la volée pour minimiser un mot, un geste, une pique déguisée en blague ? Elle résonne comme un bouclier, une échappatoire, une tentative désespérée de déresponsabilisation. Sous ce prisme, tout peut être pardonné. L’humour devient alors une arme à double tranchant : une façade innocente pour des violences bien réelles.
Ce « ça va, c’est pour rigoler » justifie tout. Une remarque cinglante sur l’apparence, un commentaire moqueur sur une faiblesse perçue, une caricature humiliante d’un comportement. Les rires fusent, mais souvent, ils sonnent faux, surtout pour celui qui est la cible. Sous le vernis de la « blague », la douleur s’installe, invisible et pourtant brûlante.
L’humour, dans ce contexte, devient un poison lent. Parce qu’il est perçu comme anodin, il désarme. Que répondre à une « blague » ? Dire que ça blesse, c’est risquer de passer pour celui ou celle qui n’a pas de recul, qui ne sait pas rire. Alors on se tait, on avale, on encaisse? Mais la blessure, elle, reste. Et souvent, elle devient une marque indélébile.
Ces mots, ces gestes « pour rigoler », laissent des traces. Ils s’infiltrent dans l’estime de soi, érodant doucement mais sûrement la perception que l’on a de sa valeur. Ils nourrissent des croyances limitantes : « Je suis moins bien », « Je ne suis pas assez », « Il y a quelque chose de mauvais en moi ». Quand l’humour devient un outil de violence, il crée un traumatisme silencieux, difficile à nommer, encore plus difficile à guérir.
Et le pire, c’est que la banalisation de ces violences passe par un consensus collectif. Le groupe rit, complice ou passif. Celui qui souffre est isolé. Ce mécanisme rend la blessure encore plus profonde, car elle n’est pas reconnue.
l’humour n’est pas censé rabaisser, humilier ou diviser. Il est censé unir, faire grandir, offrir un espace où tout le monde se sent en sécurité.
Que reste-t-il ? Si ce n’est d’oser dire non ?